La médina de Fès compte aujourd’hui près de 500 riads réaménagés en maisons d’hôtes et dont la capacité d’accueil est estimée à plus de 2.000 lits. Mais seules 150 maisons ont une autorisation d’exercer. Le reste travaille illégalement.
Imaginez des sites de voyages annonçant des tarifs exceptionnels pour passer une «belle» nuit dans la médina. Avec des prix allant de 0 à 57 DH, le touriste est rapidement conquis. Il ne sait toutefois pas que son voyage à Fès pourrait facilement se transformer en cauchemar. Et c’est ce qui est arrivé aux trois touristes allemands, sauvagement agressés en octobre 2015, alors qu’ils logeaient dans un riad non autorisé.
Deux ans plus tard, l’arrondissement de Fès-médina continue de délivrer des autorisations d’exercer (le métier d’hôtellerie) au profit des propriétaires des appart-hôtels, maisons d’hôtes et maisons meublées prêtes à louer. «Des demeures où l’on pourrait être « bien servi » de jour comme de nuit», déplore-t-on auprès de l’Association des riads et maisons d’hôtes de Fès (ARMH). Et d’ajouter: «Ces maisons qui ne répondent à aucune norme d’hygiène, encouragent tous types de délinquance (prostitution, alcool,…)».
Pourtant, elles opèrent sous une autorisation livrée par l’arrondissement de la médina, présidé par l’élu PJD, Saïd Serghini. Pire encore, celui-ci a fait voter dernièrement la légalisation des maisons informelles. «Cet arrondissement a même soumis au conseil communal un projet de loi garantissant à ces maisons le statut d’établissement touristique… sans aucune consultation de la commission de classement», s’indignent les hôteliers. En réponse, la wilaya a réuni les différentes parties (élus, hôteliers, autorités…). Son secrétaire général a mis en garde l’élu pjdiste lui rappelant que le métier d’hôtelier est réglementé par la loi 61-020 et des conditions à respecter.
«Il lui a ouvertement expliqué que le décret d’application de la formalisation de l’informel ne passera pas… mais l’élu ne voulait rien savoir», rapporte Farid Lahlou, président de l’ARMH. Selon lui, «la bataille est menée désormais avec les Online Travel Agency (OTAS) et les sites de réservations en ligne qui proposent des maisons d’hôtes non classées». Appuyés par le ministère du Tourisme, les hôteliers espèrent convaincre les OTAS de retirer les annonces des riads non classés avant fin 2017. Les hôteliers de Fès ne mâchent pas leurs mots quant aux surnoms dont ils les affublent, les qualifiant à l’unanimité de concurrents plus que déloyaux. «Les OTAS contribuent à grossir les rangs des fraudeurs», matraque Lahlou.
Son association, depuis des années, n’a cessé d’alerter ces sites (dont booking) sur le fait qu’ils commercialisent en ligne des établissements non classés et qu’ils font courir des risques aux clients de ces riads ou maisons d’hôtes non reconnus par le ministère du Tourisme marocain. En revanche, la réponse de ces sites, très connus au demeurant, serait toujours la même arguant qu’ils ne sont pas responsables de l’état de la réglementation en vigueur et que c’est au pays de faire le ménage. Ils se retrouvent donc souvent à commercialiser des établissements non conformes aux lois.
Pour les professionnels, ces agences de voyages virtuelles se sucreraient «avec des commissions juteuses prélevées sur les réservations en ligne, de 17 à 25%, voire 30%, toutes payées à l’étranger». Pour la médina de Fès, à ce jour, sur les principaux sites connus, près des deux tiers des riads ou maisons d’hôtes mis en ligne ne respectent pas les normes! Les adhérents de l’ARMH qualifient cette situation d’«énorme scandale».
Surtout en ces temps troublés. Car, selon eux, «les maisons non autorisées font courir un risque sécuritaire non négligeable aux touristes». Pourtant, la loi marocaine est claire et connue de tous: «Un hébergement touristique doit, en plus d’avoir une autorisation d’exploiter délivrée par la commune, faire l’objet d’une décision de classement». Ce dernier document est le seul qui rende légale l’activité d’hébergement touristique.
Fraude à tous les niveaux
A Fès, la médina compte aujourd’hui quelque 500 riads réaménagés en maisons d’hôtes et dont la capacité d’accueil est estimée à plus de 2.000 lits. Mais seules 150 maisons ont une autorisation d’exercer. Le reste travaille illégalement. Outre le non-respect des normes architecturales, d’hygiène et de sécurité, ces maisons ont des pratiques délictueuses de fraude à la TVA, fraude aux taxes de séjour et à la taxe de promotion touristique, non-déclaration des personnels à la CNSS ou sous-déclaration des salaires… Beaucoup de ces maisons non classées mettent en ligne des photos qui ne correspondent pas à la réalité, l’hygiène y est plus que douteuse. Il suffit de lire les commentaires et avis des clients à leur retour: «Riad impossible à trouver, photos non conformes, ménage non fait dans les chambres, literie envahie de punaises ou de puces, arnaque sur les prix, aucun personnel présent la nuit, etc.». Bref, des commentaires qui nuisent à l’image de la médina de Fès. Résultat: «Toute l’activité risque d’être compromise, si elle ne l’est pas déjà», avertit la corporation. Et de proposer un plan d’action immédiat avec un contrôle systématique de tous les établissements recevant des touristes, et une mise en demeure de régularisation des maisons d’hôtes non classées.