A fin septembre 2017, l’encours des crédits bancaires du secteur ne représente que 1,9 % du total accordé à l’économie. La gestion défaillante, le manque de visibilité et la baisse des prix engendrent l’incapacité de remboursement des hôteliers. Les banques accompagnent encore des projets de grandes signatures implantés dans des villes où le marché n’est pas encore saturé.
Le secteur hôtelier et touristique marocain est peu prisé par les banques. D’après les chiffres de Bank Al-Maghrib, à fin septembre 2017, l’hôtellerie et la restauration totalisaient un encours de 16,5 milliards de DH, dont 9,9 milliards de crédits d’investissement. Cela correspond à 1,9% de l’encours total des crédits bancaires accordés aux secteurs primaire, secondaire et tertiaire de l’économie (830,2 milliards de dirhams). Pourtant, le secteur, qui offre une capacité litière de 242 624 (à fin 2016), est une grosse source de devises pour le pays. A fin novembre, les recettes touristiques totalisaient déjà 64,3 milliards de DH.
Aussi, d’après le rapport annuel de BAM sur la supervision bancaire, la production de crédit-bail immobilier destinée aux hôtels et loisirs a, elle, chuté de 80% en 2016, en comparaison avec celle de l’année précédente, à 120 MDH. Quant aux créances en souffrance, elles représentent 8,1% du total qui est de 43,3 milliards de dirhams, soit 3,5 milliards de dirhams. Le taux a certes baissé (10,8% en 2014 et 8,9% en 2015). Mais il témoigne de la difficulté des hôteliers à rembourser leurs crédits, d’où la réticence grandissante des banques. Les raisons du peu d’entrain des banques à s’engager sont donc évidentes, explique en substance un professionnel du secteur. «Il y a eu énormément de défauts de paiement et de crédits en souffrance qui se sont accumulés depuis 8 à 10 ans. En outre, les taux ont beaucoup augmenté. Aujourd’hui, les créances des hôtels prestigieux sont rééchelonnées, notamment à cause d’une exploitation déficiente. Mais le plus grave est le défaut de paiement où l’établissement dépose le bilan et se retrouve soit en redressement judiciaire ou en liquidation. Cette situation est pénalisante pour les banques qui accusent des pertes sèches», analyse ce professionnel qui considère qu’il faut au minimum 2 à 3 ans de performance similaire à celle de 2017 pour espérer redonner confiance aux établissements de crédit dans le secteur.
Au moins 15 ans pour le retour sur investissement
«En outre, la baisse de 20% des prix des nuitées n’a pas arrangé les choses, alors que les charges de fonctionnement augmentent. Pour les hôtels ayant déjà amorti leur investissement, l’effet de la baisse des prix n’est pas ressenti. Pour le reste, le Revpar (prix de vente moyen X le taux d’occupation) diminue et contribue à réduire la capacité de remboursement des hôteliers», déclare Lahcen Zelmat, président de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière (FNIH). Auparavant, et particulièrement dans le cadre de la vision 2010, énormément de projets hôteliers ont bénéficié de financement bancaire. «Il y a 10 ans, les banquiers frappaient aux portes des promoteurs. Aujourd’hui, cet attrait n’existe plus», regrette un hôtelier. Parmi les raisons, figurent la lourdeur de l’investissement et la durée du retour sur investissement jugée longue (15 ans). S’ajoute à cela le manque de visibilité: le tourisme marocain évolue en dents de scie. «C’est la raison pour laquelle nous exigeons du promoteur plusieurs types de scénarios : optimiste, pessimiste et réaliste au niveau de l’étude de l’investissement. Le calcul des projections doit aussi refléter une capacité de remboursement du crédit et d’auto-financement de l’exploitation. La présence d’une marque internationale qui assure une gestion saine de l’établissement et d’un TO renforcent également les chances d’obtention du crédit bancaire», explique un banquier. Résultat, les promoteurs solides qui investissent dans la station Taghazout avec le soutien de l’Etat bénéficient de financements bancaires, notamment lorsqu’ils attirent de grandes signatures. Des projets hôteliers implantés dans des villes non encore saturées sont, à leur tour, mieux notés par les banques. «Pour preuve, il y a eu une compétition entre les banques pour financer des grandes signatures à Rabat. A Casablanca, les établissements accourent pour financer des hôtels 5* et des palaces qui viennent combler le besoin en structures dédiées aux congrès dans la ville», précise le banquier.
L’ANIT a présenté un projet de restructuration de la dette
Malgré tout, les conditions d’obtention de crédit ont été resserrées. D’après un expert, les dossiers de crédit qui nécessitaient auparavant une période de traitement entre 2 et 4 mois ont besoin désormais de 10 à 12 mois. «Après 15 ans d’expérience dans le financement des unités hôtelières, les banques ont acquis de l’expérience. Elles ont mieux alimenté leur base de données et gagné en expertise», analyse-t-il. Les banques souhaitent, pour leur part, un meilleur engagement de l’Etat pour le secteur. Le fonds de garantie doté d’une enveloppe de 400 MDH dédié aux projets touristiques du Plan Azur (2015-2020) est jugé insuffisant. Mais il a le mérite de réduire le niveau de risque auquel sont exposées les banques.
Quant à L’ANIT, elle a présenté un projet de restructuration des dettes en souffrance des hôteliers. L’objectif est de trouver les mécanismes pour agréer toutes les parties : BAM, les banques, l’Etat et les opérateurs du secteur. Ce document est pour le moment soumis à l’étude au ministère du tourisme, du transport aérien, de l’artisanat et de l’économie sociale.
Source :LaVieEco