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samedi, novembre 2, 2024
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Tourisme: Des négligences qui peuvent coûter cher

Une entreprise touristique est par essence un système social hyper-complexe et toute action à quel que niveau que ce soit peut avoir une conséquence sur l’ensemble du système. Un faux pas du cuisinier, un non respect de la démarche d’hygiène, une contamination croisée… influent sur l’ensemble de l’entreprise. Amine Benabid, fondateur du réseau Stratégie Pro revient dans cet entretien sur les enjeux d’une bonne formation continue.

– L’Economiste: Former, recycler les RH dans le tourisme est un impératif de compétitivité. Pourquoi les entreprises sont-elles réticentes à la formation continue?
– Amine Benabid: La réponse à cette question est double. Il y a d’abord un paramètre interne lié au type d’entreprise, sa vision à long terme et à court terme, ses dirigeants…. Au Maroc, 99% des entreprises du secteur touristique sont des PME. Dans la plupart des cas, le chef d’entreprise est trop pris par les aspects de gestion courante, le court terme. Il a le nez sur le guidon et n’a pas toujours le temps de s’occuper des aspects de formation dont il ne mesure pas l’impact dans l’immédiat. Le deuxième facteur est externe et concerne l’écosystème de formation. Plus il est complexe et plus il se transforme en frein d’accès. Il suffit de voir la procédure pour bénéficier du remboursement des frais de diagnostic par le GIAC tourisme/hôtellerie: 21 documents à télécharger! C’est trop compliqué! Enfin, l’absence de proximité est rédhibitoire dans ce domaine. On sait que sans déploiement très local, les actions d’accompagnement n’auront aucun impact. Les PME sont très sensibles aux services de proximité et c’est là, à mon sens, le levier qu’il faut trouver pour le développement de la formation continue dans le secteur touristique au Maroc.

– Jusqu’à quel point des ressources non qualifiées et peu motivées peuvent-elles nuire à une entreprise touristique?
– Il faut être conscient qu’une entreprise touristique est par essence un système social hyper-complexe et que toute action à quel que niveau que ce soit peut avoir une conséquence sur l’ensemble du système. Nous sommes dans un secteur où l’influence de l’individu est énorme parce que le détail est important: un savon qui manque dans la salle de bain de l’hôtel, une formule de civilité inappropriée en usage dans les mails, le non respect des règles d’hygiène, etc. Je vais citer un cas réel qui s’est déroulé, il y a quelques années, dans un grand hôtel de La Baule, station balnéaire française très courue. Au restaurant de l’établissement, qui accueillait un séminaire regroupant les cadres d’une multinationale, une « brigade» ne respectait ni « la marche en avant » ni la chaîne du froid. Arrive le sinistre tant redouté: une contamination à la salmonelle-bactérie connue pour être l’une des causes les plus fréquentes de maladies d’origine alimentaire- qui provoquera une toxi infection alimentaire collective – autrement dit une «tourista collective» … soit une quarantaine de cadres malades. Cet établissement a mis plus de 5 ans avant de se remettre de cet incident sur le plan de l’activité. Et à l’époque, l’effet amplificateur des réseaux sociaux n’était pas aussi important qu’aujourd’hui. Attention donc au petit grain de sable qui peut enrayer toute une machine.

– Vous avez développé avec des experts une interface, Stratégie Pro pour accompagner les professionnels dans leur programme de formation continue pour la restauration, l’hôtellerie…Comment se traduit sur le terrain cet accompagnement?
– D’abord par la proximité. A aucun moment, il n’y a une externalisation, tout se passe dans l’entreprise. C’est nous qui nous déplaçons à la demande du professionnel. L’une des originalités de notre réseau, c’est qu’il est constitué de professionnels qui sont du «milieu», principalement de la restauration et de l’hôtellerie, avec la double compétence «métier» et «formation». Et c’est assez unique. Tous mes experts, au-delà de leurs expériences en tant qu’entrepreneurs ou salariés dans les para-secteurs du tourisme, participent à la formation en France d’entre 200 à 300 professionnels de la restauration, de l’accueil touristique, de l’esthétique, etc. par an. Je tiens énormément à cette polyvalence au point d’en avoir fait un préalable sine qua non à toute intégration d’expert au réseau Stratégie Pro. Cela permet d’assurer une très haute qualité de l’ensemble de nos prestations, du conseil à la mise en place de solutions (formations ou autres). On ne s’improvise pas expert en design culinaire ou formateur en techniques de gestion d’hôtel.

– Les jeunes se détournent du secteur même s’il est le plus grand pourvoyeur d’emploi. C’est un échec de la vision à votre avis?
– Il y a indéniablement un manque de jeunes qualifiés mais n’est-ce pas plutôt à mettre sur le compte d’une faiblesse de l’offre de formation qui semble ni importante ni adaptée. Je vais peut-être vous étonner mais je ne pense pas que ce soit une absence de vision. Bien au contraire, la vision est là, (V2010, V2020). On sait où on veut aller mais on ne pense absolument pas au chemin à parcourir pour y arriver. Et c’est là où le bât blesse! Comment rectifier le tir? En utilisant tous les petits leviers comme disait le ministre du Tourisme, Mohammed Sajid sur vos colonnes. En simplifiant les procédures, en mettant à contribution les relais locaux: je pense en particulier aux Chambres de commerce et d’industrie qui pourraient pour une fois se révéler utiles… et puis surtout mettre en place une véritable politique de formation en alternance.. Thierry Marx, le grand chef a osé «80 gestes et postures» pour former des cuisiniers en 3 mois.

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