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dimanche, décembre 10, 2023
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Tourisme: Comment «reformater» la Vision 2020

Le secteur du tourisme a besoin d’un électrochoc pour sortir d’un coma profond. Le ministre Mohamed Sajid devra faire preuve d’ingéniosité pour trouver le bon sésame et relancer la machine. Une affaire qui n’est pas de tout repos vu les multiples dysfonctionnements relevés par le dernier rapport de la Cour des comptes (gestion, promotion, formation, gouvernance…) ainsi que les conclusions du rapport réalisé par le Comité des experts (Comex) constitué sous l’égide de la CGEM et de la CNT.

Ce collectif a passé au crible plusieurs volets: pilotage et gouvernance, promotion, aérien, produits ou encore Plan Azur. Outre les multiples dysfonctionnements (lire articles page 4, 5 et 7), le rapport du Comex englobe des recommandations stratégiques.

Priorité: remettre de l’ordre dans la maison et rétablir la confiance avec un seul objectif, à savoir améliorer les taux d’occupation. Le comité fixe pour deadline le premier semestre 2019 pour «formater» une nouvelle stratégie 2030, la débattre et l’approuver. Comment y arriver? Tour d’horizons des solutions préconisées par le Comex.

■ Pilotage & gouvernance: Le grand big bang
Sur le volet «gouvernance privée», les experts recommandent une refonte globale de l’architecture de la représentativité du secteur: CNT, FNT, fédérations régionales et associations nationales existantes. Le rapport préconise la mise en place d’une loi sur le tourisme pour graver dans le marbre la nouvelle architecture, institutionnaliser le dialogue public-privé et le co-pilotage concerté. «L’affaiblissement continu de nos instances au cours des dernières années a gravement desservi notre cause», déduit le rapport. Cette refonte de la gouvernance privée est «une question de survie pour la profession. Etre crédible pour être écouté et respecté ou encore être qualifié pour co-piloter». Côté gouvernance publique, le rapport appelle à une refonte intégrale, voire même un «séisme» de l’architecture institutionnelle. Ces mutations pourraient se traduire par plusieurs actions. Il s’agit du renforcement du rôle du ministère de tutelle (supervision du secteur aérien, attributions spécifiques Vs régionalisation).

Les experts insistent sur la création d’instances mixtes de pilotage concerté à l’échelle nationale (Conseil national) et régionale (Comité régional). S’y ajoute la mise en place d’une instance indépendante de régulation des capacités par les taux d’occupation et plus généralement de régulation des investissements. Une instance censée être sous la tutelle du Conseil national.

Autre levier: la création d’un ensemble intégré ONMT/Smit pour faire jouer des synergies et réconcilier de manière cohérente l’approche «produits & marchés» et «promotion & marketing» à travers une agence de promotion et de développement touristique. Le rapport de la Cour des comptes a d’ailleurs mis à nu les dérapages des organismes publics de promotion touristique. Il a aussi épinglé la Smit dont les réalisations sont médiocres. Ce rapport reproche à l’ONMT son échec d’explorer d’autres voies de promotion des produits de niche susceptibles de faire bénéficier d’autres destinations, hors Marrakech et Agadir, des retombées des flux. Un vrai gaspillage des deniers publics!

Le rapport du Comex préconise également la réforme de l’Observatoire du Tourisme pour disposer d’un outil statistique et de planification stratégique pertinent, efficient et utile. Les experts insistent sur le retour à la vocation initiale d’indépendance et de gouvernance public/privé. Ils proposent la mise en place d’un nouveau dispositif de tableaux de bord pertinents. A noter que dans le cadre de leur travail, les experts eux-mêmes se sont heurtés à l’accès difficile ou impossible à certaines informations (budget de l’ONMT, allocation par nature, marchés et destinations, dessertes aériennes et parts de marchés des différentes compagnies). Pour une meilleure refonte globale du secteur, le Comex décline trois scenarii : une haute autorité «Autoritaire» (centralisation maximale), une décentralisation (régionalisation avancée) ou encore un schéma intermédiaire plus équilibré, mais plus complexe.

■ Régulation d’urgence des capacités et des investissements
Pour remédier aux problèmes de surcapacité, le Comex prévoit l’adoption d’un moratoire immédiat sur toute nouvelle capacité pour une durée de 24 mois, hors stations Azur. Il s’agit d’une mesure palliative d’urgence pour éviter que «la situation ne s’aggrave encore», arguent les experts. Autre mesure à mettre en place immédiatement: la régulation par les taux d’occupation, transparente et ajustée pour chaque destination et catégorie d’hébergement. S’y ajoute la régulation des investissements touristiques en général (capacité d’hébergement, équipements d’animation, mise en tourisme…). L’enjeu est d’envoyer un signal fort à toute la communauté du tourisme, des banquiers et des investisseurs.

■ Apurement musclé de l’informel
Pour faire face à l’informel, le rapport préconise un apurement musclé du «classé informel» (déclassement, fermeture administrative). Il recommande l’encadrement de l’immobilier locatif et résidentiel (Airbnb) et la réglementation de toute forme d’hébergement touristique. Autre mesure: la création de nouvelles formules d’encouragement à la rénovation vu l’état critique du parc.

■ Booster les destinations
Toutes les destinations ne sont pas comparables. La première catégorie (Marrakech-Essaouira et Agadir-Taghazout) dispose d’une offre attractive et d’un potentiel de croissance immédiatement exploitable. Elle a besoin d’un renforcement de la promotion et de la desserte aérienne. L’échéance 2020 est retenue par le Comex pour redresser la fréquentation et l’occupation de ces deux «flag-ship». Quant aux destinations dites de 2e catégorie, elles recèlent un réel potentiel mais souffrent de handicaps plus lourds (infrastructures, positionnement, mises en tourisme…) qui nécessiteront plus de temps pour être surmontés.
Pour redynamiser la machine, il faut enclencher des plans d’actions opérationnels afin de rétablir leur taux d’occupation et leur compétitivité. La phase 2019-2025 devra organiser le repositionnement des destinations de 2e catégorie. Pour l’échéance 2030, les experts recommandent de mettre en œuvre le potentiel balnéaire (Infrastructures Azur). D’ici 2020, les acteurs concernés devront repenser la stratégie balnéaire et son mode opératoire, au-delà des stations Azur à achever.

■ Promotion: Une refonte de fond en comble
Sur le volet promotion, il va falloir opérer un changement de la vocation de l’ONMT. Il s’agit de virer de la publicité au marketing stratégique. Il est préconisé de renforcer l’expertise dans la promotion en intégrant le digital au cœur du dispositif. La structure de promotion doit devenir le spécialiste de la demande : producteur régulier d’études de marchés approfondies. Sur le volet produits, l’office devrait favoriser l’adéquation offre/demande, orienter le positionnement des produits et les mises en tourisme, devenir partenaire des hôteliers et des municipalités, soutenir les TO marocains et étrangers… Les experts n’excluent pas l’éventualité de promouvoir un organisme de gestion des destinations (OGD). Pour que cette transformation opère, les experts insistent sur la création d’un ensemble intégré avec la Smit dont il faut bien admettre l’échec. Nouveaux statuts, nouvelles règles opérationnelles, injection massive d’expertises et de ressources humaines, refonte de la taxe aérienne, réforme de la TPT, priorité aux gros marchés porteurs (top 8), plateforme d’incubation de start-up… Plusieurs actions sont à prévoir pour remettre l’office au cœur du système de planification et du pilotage stratégique.

■ Aérien: RAM, grandir ou disparaître…
Le rapport remet sur le tapis le devenir de la RAM. Il serait temps de prendre des décisions stratégiques pour l’avenir de la compagnie nationale: grandir et se réinventer ou disparaître à petit feu. Les experts préconisent de donner à la compagnie les moyens d’une réelle ambition. Pour y arriver, il faut doubler la taille à l’horizon 2025 et dédier une partie de la flotte au tourisme point à point. Le rapport recommande de réinventer le positionnement stratégique de la compagnie: défendre ses territoires (hub Maroc-Afrique), en développer de nouveaux (Europe pour le long courrier), densifier l’interne ou encore reprendre pied sur le point à point touristique. La RAM devra réinventer son positionnement produit (qualité de service, prix, productivité) et sa puissance commerciale (forces de vente, marketing, communication). Une des conditions incontournables: ré-impliquer les tour-opérateurs (TO) pour permettre au Maroc de développer le segment «loisirs & vacances». La tutelle est également appelée à soutenir toutes les formes de l’aérien afin de réduire la dépendance aux low-cost. Les taux de remplissage moyens observés attestent de capacités installées non saturées.

■ Plan Azur
Le rapport a dressé un bilan des stations balnéaires. Pour les experts, Taghazout est une victoire à portée de main (potentiel de 70% d’occupation). Pour Saïdia, le combat n’est pas perdu d’avance (projet en cours de redressement avec 7 unités et 6.000 lits à l’horizon 2018 outre 9.000 lits résidentiels). Le potentiel de nuitées de la station de l’Oriental sur 6 mois est à 70% d’occupation. Pour anticiper l’avenir, le Comex préconise de concevoir de bons produits correspondant aux attentes d’une demande identifiée.
Pour que la mayonnaise prenne, il va falloir investir massivement dans la promotion pour détourner cette demande de la concurrence et dans l’aérien. Les experts recommandent également de laisser les professionnels choisir les sites et les business-models. Ils conseillent d’assumer les travaux d’infrastructures mais également le financement des études et travaux d’aménagement, sous forme de prêt concessionnel. Le rapport précise qu’il serait judicieux de convenir à l’avance des engagements de l’Etat s’agissant des budgets de promotion et des capacités aériennes à mobiliser. Les experts insistent sur certains principes essentiels: promotion du festif, usage sans restriction des plages…

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